Synthèses
Histoire événementielle de la spéléologie et du monde souterrain
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Brève histoire des incursions souterraines en France

Des hommes se sont aventurés dans les parties profondes de la grotte de Bruniquel (Tarn-et-Garonne), y ont bivouaqué il y a près de 50 000 ans, brisant au passage quelques stalagmites (Rouzaud et al., 1995). Est-ce à dire que cette incursion constitue le premier acte de vandalisme ? Certainement pas, pas plus que les incursions à caractère cultuel dans les grottes ornées ne sont des actes spéléologiques, mais parler de spéléologie sans faire référence aux différentes incursions, mêmes furtives, n’aurait pas de sens.



Mine dans l'est de la France

La grotte-ressource

Dès la préhistoire, les populations néolithiques ont fait preuve d’audace en allant chercher l’eau au fond des grottes des Causses (André, 1992). Les mêmes motivations sont présentes chez les salpêtriers de Padirac (Lot) qui, avant 1595, ont descendu un puits impressionnant (profondeur -98 m). On devine ainsi que les cotes les plus profondes atteintes par des hommes dans des cavités naturelles sont le fait d’ouvriers ou de mineurs. Ainsi, le trou du Calel (Tarn) est-il connu jusqu’à -105 m grâce à l’exploitation de la grotte-mine entre les X et XIVe siècles (Calvet, 1988). Un autre exemple est celui du gouffre à Maule (Isère), situé dans le massif de la Chartreuse et exploité jusqu’à la profondeur de -65 m entre le Moyen-âge et le XVIIe siècle.

On ne peut encore parler d’explorations spéléologiques, mais dès le XVIe siècle, la curiosité devient un moteur suffisant pour attirer quelques visiteurs. Ainsi, la notoriété de la grotte de Rouffignac (Dordogne), rendue célèbre en 1575 par Belleforest (Amsterdam), dépasse les frontières nationales conduisant les autorités locales à en faire dresser le plan vers 1770 (Baritaud, 1990).

Mais il ne s’agit là que d’explorations sporadiques qui n’annoncent pas vraiment la vague, du reste assez tardive, de la spéléologie d’exploration.



Fouilles paléontologiques au XIXe siècle
Le courant naturaliste

Si les savants des siècles précédents se sont bornés à décrire quelques curiosités de la nature, ceux du XIXe siècle commencent à trouver un intérêt aux cavernes, intérêt croissant soutenu par un courant naturaliste d’où vont naître des disciplines nouvelles comme la géologie, la paléontologie, la préhistoire, et enfin la spéléologie, héritière d’une culture savante plusieurs fois centenaire.

Dans la réalité, il est bien difficile de dater la naissance de la spéléologie française, même si l’on admet que la traversée de Bramabiau par Martel, en 1888, puisse en constituer l’acte fondateur.

Les paléontologues, tel Buckland en 1826 dans les grottes d’Osselle (Doubs), investissent le monde souterrain, cependant on ne saurait leur attribuer toutes les explorations sur la foi de leurs écrits. En effet, le XIXe siècle fourmille de découvertes plus ou moins remarquables et plus ou moins connues, comme celle de la grotte de Mazenay (Saône-et-Loire), explorée et topographiée sur plusieurs kilomètres par des mineurs, dont l’ampleur de la découverte n’a été révélée qu’en 1989 par des spéléologues-bibliographes (Laureau, 1998, 1999-2000).



Grotte de Dargilan (Lozère)

Les premières explorations spéléologiques

On ne saurait passer sous silence deux hauts-faits de l’histoire de la conquête souterraine survenus à la fin du XVIIIe siècle : l’explorataion du marquis de Vivetières dans la baume des Demoiselles (Hérault) en 1780, et celle de l’abbé Carnus au tindoul de Vayssière (Aveyron) vers 1780-1785. Mais il ne s’agit pas d’initiatives isolées puisque partout en France, des cavités d’un accès il est vrai plus facile, commencent à être visitées par des notables locaux en mal de frissons. Bon nombre des comptes rendus de visites de ces notables sont repris par Jules Desnoyers qui rédige dès 1845 un article bien documenté pour le Dictionnaire d’Orbigny. De même, l’entomologiste Jean-Angel Lucante fait paraître dès 1880 le tout premier inventaire spéléologique, sorte de compilation d’ouvrages locaux qui a le mérite de dresser un état des connaissances avant l’arrivée d’Édouard-Alfred Martel sur le devant de la scène spéléologique (Gauchon, 1997).



Edouard-Alfred Martel

Martel, Père de la spéléologie

La découverte de la grotte de Dargilan (Lozère), en 1881, a fait naître chez certains le goût de la recherche et le secret espoir de renouveler cette découverte retentissante.

Edouard-Alfred Martel est un de ceux là ; en 1884, il est séduit par l’entrée de Bramabiau qui exerce sur lui une grande fascination (André, 1992). Cette région des Grands Causses va devenir sa « terre des cavernes » par excellence et ses explorations donneront à cette entité une renommée équivalente à celle du Karst.

Dans le sillage de Martel, qui accumule records et explorations les plus remarquables - comme la rivière souterraine de Padirac (Lot) -, s’engouffrent une multitude d’explorateurs locaux dont certains entreront en correspondance avec le Maître pour devenir les héritiers du « Père de la spéléologie ». L’un d’entre eux, Robert de Joly, relance la spéléologie dans l’entre-deux-guerres en concevant, adaptant ou important du matériel et des techniques telles les échelles souples que les Italiens utilisent déjà. En 1927, l’aménagement de l’aven Armand (Lozère) excite les esprits et conduit Robert de Joly à découvrir enfin son aven en 1935 : l’aven d’Orgnac (Gard).

Une autre grande figure de la spéléologie française, le pyrénéen Norbert Casteret, acquiert une renommée internationale grâce à la découverte, en 1923, des plus vieilles statues du monde dans la grotte de Montespan (Haute-Garonne) et aussi, bien sûr, à son talent d’écrivain qui fera de lui un spéléologue mondialement connu.



Une technique moderne de progression : la remontée sur corde unique

L’après-guerre

Dès 1947, les clubs de spéléologie se structurent, se multiplient et s’attaquent aux grands gouffres des Alpes et des Pyrénées. Désormais, l’exploration est un acte collectif qui se pratique à l’échelle d’un massif : le gouffre de la Henne Morte (réseau de la coume Ouarnède, Haute-Garonne), le trou du Glaz (Dent de Crolles, Isère), ou encore le gouffre de la Pierre Saint Martin (PSM-Larra, Pyrénées-Atlantiques & Espagne).

La France devient le pays des records de profondeur, avec en 1956 le dépassement de la cote moins mille (mètres) dans le gouffre Berger (Isère). Là encore, ce record ne serait-il qu’un fait isolé ? Assurément non, car les difficultés d’exploration dans les massifs de montagne, voire de haute-montagne, ont généré des réponses techniques. Les difficultés rencontrées dans ces cavités, sont à l’origine de la révolution technique amorcée dans les années 1960-70 dans les Alpes occidentales, qui deviennent un des berceaux des techniques modernes de progression.



Références bibliographiques

Collectif (1988) – Les grandes figures disparues de la spéléologie française. Spelunca, n° 31, pp. 12-86.

Collectif (1993) – Cent ans de spéléologie française. Spelunca Mémoire, FFS édit., Paris, Actes du symposium d’histoire de la spéléologie. Millau 1er et 2 juillet 1988, n° 17, 330 p.

ANDRÉ Daniel (1992) – Lozère des ténèbres. Spéléo-Club de la Lozère édit., Chirac, 260 p.

BARITAUD Thierry (1990) – L’aventure souterraine du Périgord. Chez l’auteur, 264 p.

CALVET Jean-Pierre (1988) – Inventaire spéléologique du Tarn. Les monts du Sorézois. Tome 1. Spéléoc Spécial inventaire, revue Trim. du Grand Sud-Ouest, 106 p.

GAUCHON Christophe (1997) – Des cavernes & des hommes. Géographie souterraine des montagnes françaises. Karstologia mémoires, n° 7, 248 p.

LAUREAU Pierre (1998) – Grotte de Mazenay : état des travaux. Sous le Plancher, bull. de l’A.S.E., n° 13, pp. 64-67.

LAUREAU Pierre (1999-2000) – Grotte de Mazenay : état des travaux 1998. Sous le Plancher, bull. de l’A.S.E., n° 14, pp. 60-64.

MINVIELLE Pierre (1967) – La conquête souterraine. Arthaud édit., Coll. Sempervivum, 260 p.

ROUZAUD François, SOULIER Michel et LIGNEREUX Yves (1995) – La grotte de Bruniquel. Spelunca, n° 60, pp. 27-34.