Alpes-de-Haute-Provence (04)
Emmurements et enfumades
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L'ouvrage de Henry (1818)

Emmurements et enfumades dans les Alpes

L’ouvrage de D.-J.-M. Henry, originaire d’Entrevaux, bien que farci de théories largement dépassées, offre néanmoins l’avantage de relater sa visite à la grotte de Saint-Benoît et de réécrire l’histoire des peuples de la Gaule en s'interrogeant sur la présence d’ossements humains et de charbons de bois dans la caverne, dissertant sur les guerres ligustiques, et les enfumades couramment pratiquées par les Romains dans la conquête de nouveaux territoires...

La théorie « fumeuse » de D.-J.-M. Henry n’a pas résisté très longtemps, puisqu’en 1882, D.-S. Honnorat précise que « la présence de si nombreux ossements, dans la grotte de Saint-Benoît, n’est nullement un fait isolé. (...) on en rencontre un si grand nombre dans tous les pays, notamment en Europe, qu’on les désigne sous le nom de Cavernes à ossements. » (Honnorat D.-S. (1880-1883) Une excursion à la grotte de Saint Benoît. Annales des Basses-Alpes, t. I, pp. 362-368).


La grotte de Saint-Benoît vue par Henry (1818)

« nous remarquâmes, en effet, que nous nous trouvions sur des os humains presque entièrement recouverts par des concrétions stalagmitales ou par les boues que produisent en cet endroit les eaux qui filtrent à travers les rochers. Ces os, de couleur rougeâtre et que leur vétusté rend extrêmement friables, sont remarquables par leur épaisseur. » (Henry, 1818, p. 60).

carte des départements hauts et bas-alpins
« Les Liguriens gravissant l’extrême sommet des Alpes, entre le Var et le Magra, et embarrassant les avenues avec des buissons sauvages étaient plus difficiles à joindre qu’à vaincre. Rassurés par les lieux et par la facilité de s’échapper, ces peuples aussi durs qu’agiles, guettaient les occasions et commettaient plutôt des brigandages qu’ils ne faisaient la guerre. Les Salyens, les Déciates, les Oxybiens, les Euburiates, les Ingauniens ayant enfin poussé à bout la patience des Romains, Fulvius pour en finir, ordonna d’enfermer leurs cavernes par des feux, Bæbius descendit alors dans la plaine, et Posthumius désarma si bien le pays, qu’à peine laissa-t-il du fer pour cultiver la terre » (Henry, 1818, pp. 63-64). Traduit de « De la guerre ligustique » de l’historien latin Florus, Epitome rerum romanarum.

Extraits de « Recherches sur la géographie ancienne et les antiquités du département des Basses-Alpes » de D.-J.-M. Henry (1818, réimp. Lafitte Reprints de 1979, pp. 53-67).

L’attaque de la caverne de l’Aile Froide en 1485

« Les Vaudois de la Vallouise s'étaient retirés, en avril 1485, à l'Aile-froide (Alo freido), caverne située sur les flancs du Pelvoux ; ils étaient pourvus d'armes et de vivres pour deux ans. (...) D'après le récit du père Fournier, le 20 avril, on apprit qu'à l'aide d'un cable de soixante toises de longueur, et après avoir escaladé la montagne qui domine la caverne, vingt-huit Vallouisiens y ayant pénétré sur le derrière de la Beaume, avaient massacré les hommes et les enfants qu'ils y avaient trouvés ; que la plupart des fuyards s'étaient précipités en sautant de rocher en rocher, et qu'il ne restait vivant que deux enfants, trois femmes, et huit à neuf combattants qui étaient parvenus à s'échapper. Fournier ajoute que la fureur du peuple fit ajourner indéfiniment l'information juridique. On croit plus généralement que des fagots furent allumés à l'entrée de l'Aile-froide, afin de faire étouffer les proscrits par la fumée, comme depuis on l'a pratiqué cruellement en Algérie contre les Arabes. Les Vaudois qui tentèrent la fuite furent égorgés par quatre cent hommes armés, sans distinction d'âge ni de sexe, ou perdirent la vie en se jetant au bas du rocher. Il en périt plus de trois mille, dont les biens furent confisqués. »

Extrait de « Histoire, topographie, antiquités, usages, dialectes des Hautes-Alpes » de J.-C. F. Ladoucette (1848, pp. 82-83).

Les emmurés de Moustiers

« Vers le milieu du seizième siècle, on trouva à Moustiers dans une baume ou grotte au-dessus de la galérie, à droite de la chapelle de Notre-Dame, les corps de trois hommes qui dépassaient de la moitié la taille ordinaire et commune. Ces cadavres étaient tous noirs, debout, appliqués par les épaules à la muraille à laquelle ils étaient sans doute attachés. L’entrée de cette grotte assez étroite était fermée par une bâtisse faite avec des pierres et du ciment excessivement dur. Des curieux voulant savoir ce que contenait cette grotte, en démolirent l’entrée : mais à peine l’entrée ouverte, les trois cadavres furent réduits en poussière par l’impression du grand air. On trouva encore des cendres et de la paille, et tout l’intérieur noirci par le feu. Ces indices annoncent que les trois hommes qui y avaient été enfermés, on ne sait pourquoi, ni comment, avaient péri étouffés par la fumée. »

Extrait de « Histoire géographique et statistique du département des Basses-Alpes. » de J.-J. M. Féraud (1861, réimp. Lafitte Reprints de 1980, p. 294).