L'abîme de Cruis (Cruis, Alpes-de-Haute-Provence) L'aven de Cruis était une des cavités des plus connues des XVIII et XIXe siècles, mais c'était sans compter sur l'acharnement des paysans qui bouchaient souvent les trous s'ouvrant dans les zones pâturées ou cultivées. Les habitants de la montagne de Lure, autrefois très nombreux, ont fini par avoir raison de cette prestigieuse cavité aujourd'hui réduite à un simple trou qui ressemble plus à un carrière abandonnée qu'à un abîme.

L’abîme de Cruis s’ouvre au pied de la montagne de Lure. Selon les auteurs anciens, il en sortait un vent continuel et on lui attribuait une profondeur de 63 mètres.

« Un prêtre, s’y étant fait descendre par le moyen d’une corde, il y a plus de 200 ans, fut tellement épouvanté de la quantité d’oiseau nocturnes qui voltigeaient autour de lui, et qu’il prit pour des spectres, qu’il en perdit l’esprit, et resta fou toute sa vie » (Féraud, Les Alpes de Haute Provence, 1841).

L’aven de Cruis « passe pour avoir englouti, dans une nuit obscure, et par une tempête, un berger et son troupeau, et la légende ajoute que l’on vit quelque temps après sortir de la fontaine de Vaucluse le bâton du berger. La tradition raconte qu’on y précipitait autrefois les femmes adultères ».

Vers la fin du XVIII^e siècle, M. Verdet d’Ongles, muni d’un thermomètre pu faire des observations intéressantes en descendant jusqu’à la profondeur de 66 m. Les multiples légendes et la notoriété de cet abîme conduisent E.-A. Martel sur le chemin du gouffre. En 1892, après 2 jours d’interminable route, il apprend que l’aven est bouché et que les gens de Cruis y avaient jeté des arbres entiers, et détourné le talweg d’un ravin voisin. Alors que, selon un gendarme, le gouffre était encore profond de 42 m, il y a 12 ans. Trop tard, Martel ne pourra que confirmer le comblement de l’abîme par un plate-forme d’alluvions situé à - 12 m.

Cette absence de succès à Cruis et Coutelle a détourné E.-A. Martel des avens de la montagne de Lure (Martel, Les abîmes, 1894).

Bibliographie sommaire
FERAUD J.-J.-M. (1841) – Les Alpes de Haute Provence. Géographie historique et biographique du département des Basses-Alpes. Coll. « Monographies des villes & villages de France », Res Universis édit., réédition en 1992.
MARTEL Édouard-Alfred (1894) – Les abîmes. Les eaux souterraines, les cavernes, les sources, la spéléologie. Réimp. de 1996, Laffitte Reprints édit., Marseille, 578 p.