Alpes-de-Haute-Provence (04)
É.-A. Martel dans les Basses-Alpes
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Edouard-Alfred Martel (1859-1938)

Édouard-Alfred Martel dans les Basses-Alpes :
échec à Lure

Sur invitation de divers membres des conseils généraux de Vaucluse et des Basses-Alpes, É.-A. Martel se résout à entamer une étude des avens de la région. En Avignon et à Fontaine de Vaucluse, on ne manque pas de lui signaler l’aven de Véroncle (Gordes, Vaucluse), un trou à peine naturel d’une profondeur de 5 m et dont il n’est pas certain qu’il ne s’agisse d’une « petite carrière abandonnée » (Martel, Les Abîmes, 1894, p. 43)...

Cet aven, comme ceux qui suivront, augure mal de la campagne de Vaucluse...


L'issue de la campagne de Vaucluse est connue, elle se soldera par un certain nombre d'échecs, sauf à l’aven de Jean-Nouveau (Sault, Vaucluse) où Martel et Louis Armand réussiront un coup de maître en atteignant le fond du puits d’entrée après une impressionnante descente de 163 m. Ce puits permettra à Martel de défendre sa théorie du creusement par érosion tourbillonnaire d’après les formes qu’il a observées, plus ou moins justement, tout au long de sa descente.

Le périple vauclusien du maître

Vers la fin du mois d'août 1892, Martel et son équipe se déplacent avec d’importants bagages dans l'immense et désolé plateau de Vaucluse. Il a en main la carte de Bouvier (1879) sur laquelle on peut dénombrer quelque 40 avens. Mais les difficultés commencent avec le défaut d’indications et de moyens, pas de guides pour le mener aux cavités, pas de bons chevaux non plus pour transporter le matériel à pied d’œuvre.Campement à l'aven de Cruis sur la montagne de Lure (1892)

A Jean-Nouveau, Martel a plus de chance, ou plutôt, il fait confiance à la sonde de M. Vial qui, sur ordre de Bouvier, a mesuré un à-pic de 180 m.

Le 31 août 1892, l’équipe de Martel va réaliser l’exploit dans un aven qui fera autant la réputation du plateau de Vaucluse que celle de son explorateur.

Après le département de Vaucluse, Martel poursuit sa route vers l’est dans le département des Basses-Alpes, où Bouvier a pointé sur sa carte une vingtaine d’avens sur les flancs de la montagne de Lure.

Martel se rend d’abord à l’abîme de Coutelle (Lardiers), aven légendaire qui passe pour abriter un monstre avalant les pierres. M. Pelloux y a décrit une « cavité latérale au toit parsemé de stalactites » (Saint-Martin, 1891). Les sondages et surtout la tradition populaire parlent de chutes de pierres d’une durée de 7 à 14 secondes... La visite du 4 septembre 1892 s’avère extrêmement décevante : la cavité latérale à stalactites n’est qu’une inflexion du rocher à la base de l’aven dont la profondeur ne dépasse pas 46 mètres.

Probablement écœuré et déçu, Martel décline les pressantes invitations à explorer les autres avens de la région (p. 53). En l’absence de chemin d’accès, il se contente de sonder l’aven du Ravouest (Saint-Étienne-les-Orgues) pour lui octroyer une profondeur de 30 mètres, d’ailleurs, le tas de pierres du fond est visible depuis l’orifice, alors à quoi bon... En outre, Martel prétexte de la situation topographique des avens qu’on propose à sa visite en invoquant l’éloignement de la fontaine de Vaucluse, critère qu’il juge défavorable.

Cependant, il ne peut totalement se soustraire à l’exploration du fameux abîme de Cruis, situé encore plus à l’est des autres, et, par acquit de conscience, pousse jusqu’à 58 km de la fontaine. « Arrivé à Saint-Étienne-les-Orgues, après deux jours d’interminable route à la suite d(u) convoi de matériel » (p. 53), Martel apprend que l’abîme est bouché. Le 4 septembre 1892, il jette l’échelle de corde dans l’aven de Cruis et prend pied à -12 mètres sur une plate-forme d’alluvions.

Pour Édouard-Alfred Martel, la note est salée, car « pour faire (d)es observations, sinon satisfaisantes, du moins précises, il (lui) a fallut perdre trois jours et passer sous la tente une terrible nuit d’orage, refroidie avant l’aube (+ 5° C) par la survenance du mistral » (p. 54).

L’insuccès à Cruis et à Coutelle détourne Martel des autres avens de la montagne de Lure, tous d’un accès très difficile.

On peut, sans crainte de se tromper, affirmer que les explorations d’Édouard-Alfred Martel dans les Basses-Alpes n’auront pas contribué à la réputation des cavités du département.

Références bibliographiques :

MARTEL Édouard-Alfred (1894) – Les abîmes. Les eaux souterraines, les cavernes, les sources, la spéléologie. Réimp. de 1996, Laffitte Reprints édit., Marseille, 578 p.

SAINT-MARTIN Jean (1891) – La fontaine de Vaucluse et ses souvenirs. L. Sauvaitre éd., Paris, 243 p.