Alpes-de-Haute-Provence (04)
 Le squelette de Castellane
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Le lac de Chaudanne dans le Haut Verdon (Castellane)

L'abri du Squelette à Castellane

Les paysages de la haute vallée du Verdon recèlent quelques grottes dont le contenu a de quoi surprendre. En septembre 1994, j'ai eu la surprise de découvrir un squelette humain dans un abri dont personne ne connaissait l'existence.


En prospection dans le Haut Verdon

Persuadé qu’il existait des cavités à découvrir dans les environs de Castellane, j’ai entamé une prospection de la montagne des Blaches en partant du col du Cheiron (alt. 887 m) et suis remonté vers le sommet (1309 m) situé entre les lacs de Castillon et Chaudanne dans le Haut Verdon. Là , j’ai eu la chance de découvrir quelques fissures dans le rocher, pour la plupart infestées par la grande sauterelle des cavernes. Certaines de ces fissures sont suffisament larges pour mériter le nom de grottes, bien que leur formation n’ait rien de karstique. L’endroit n’est guère fréquenté, car la montagne assez déserte est reprise par la forêt qui gagne du terrain.

La découverte de l’homme de Castellane

Le 4 septembre 1994, en prospection sous le sommet des Blaches, à dix mètres sous les crêtes, j’ai découvert par hasard l’abri du Squelette, alors qu’il est invisible depuis le pied des rochers. En effet, ayant repéré un trou impénétrable au pied des escarpements, c’est seulement l’espoir d’accéder par un orifice supérieur qui m’a conduit à cette anfractuosité.Les ossements blanchis par le temps

A 5 m du pied de la falaise, l’entrée étroite d’une fissure présentant une chicane rocheuse livre accès à une minuscule chambre d’à peine 3 m² et d’environ 1,50 m de haut. Sur le sol gisent des ossements humains (bassin, fémurs, vertèbres, côtes) blanchis par le temps. A la vue des ossements, j’ai d’abord cru à un squelette préhistorique.

La deuxième visite devait confirmer qu’il s’agissait d’un squelette relativement récent dont le crâne, coincé entre le bloc et la paroi, laissait apparaître les dents usées du maxillaire supérieur.

La désobstruction du trou impénétrable situé au-dessous m’a permis d’accéder au sommet d’une galerie ébouleuse au bas de laquelle j’ai trouvé une chaussure à clous à moitié pourrie...Coupe des grottes des Blaches

L’hypothèse de l’homme préhistorique volait en éclats, pour laisser place à l’enquête policière...

L’enquête

Une fois installé à la place qu’occupait l'homme, je m’aperçus que ses jambes devaient pendre plus ou moins dans le vide. En effet, à la chaussure droite, trouvée dans la grotte, correspondait le tibia droit posé au bord du rocher, juste à l’entrée de l’abri ; tandis que le tibia gauche, plus à l’intérieur indiquait probablement un repli de la jambe sous le corps. Dans une position aussi peu confortable, on a peine à comprendre le choix de l’abri, d’autant qu’il fallait se contorsionner en rampant à l’horizontale pour y entrer.

La perquisition des gendarmes

L’ultime visite eut lieu le 18 septembre 1994 en présence des gendarmes venus perquisitionner au dernier domicile de l’homme de Castellane pour y saisir tous les objets qui s’y trouvaient, c’est à dire un petit papier posé sur une tablette rocheuse et un porte-monnaie de cuir coincé dans une fissure. Ce dernier contenait des pièces trouées datées de 1941, ainsi que des billets en mauvais état. Un fil de nylon d’une soixantaine de centimètres (un collet), rappelait les périodes de pénurie alimentaire de la dernière guerre.

L’hypothèse de l’homme traqué

La présence de cet homme, venu de lui-même dans cet abri et mort dans des circonstances mystérieuses, n’est toujours pas expliquée. En effet, il est surprenant que cet homme ne se soit pas installé dans une des entrées de grottes situées à proximité et nettement plus confortables.

Il est permis de penser que l’homme de Castellane a voulu se soustraire à la vue d’autres hommes. Traqué, il aurait trouvé refuge dans cet abri inconfortable, mais indécelable de l’extérieur. Pour se mettre à l’aise, il avait vidé ses poches et déposé tout autour de lui ses effets personnels.

A-t-il été blessé ? A-t-il succombé au froid, à la faim ? Toujours est-il que personne ne l’a vu entrer dans cet abri et que personne ne l’en a vu sortir.

Il est mort sans que personne n’en sache rien.

Sa mort remontant à plus de 50 ans, aucune enquête n’a été diligentée par le Parquet, car il y a prescription. L’homme de Castellane a emporté avec lui le mystère de sa fin.

Références bibliographiques :

BIGOT Jean-Yves (1994) - L’abri du Squelette à Castellane. Une découverte macabre. Grottes & Gouffres, bull. du S. C. Paris, n° 133, p. 29.

BIGOT Jean-Yves (1997) - A propos de quelques grottes mineures des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes et de l’Ardèche. Grottes & Gouffres, bull. du S. C. Paris, n° 143, pp. 19-32.